02/08/2008

Cela s’est passé à Ndera, au Rwanda.

Photo : Thierry Charlier/RAID no 97

Laissez la tyrannie régner sur un mètre carré, elle gagnera bientôt la surface de la terre, François Mitterrand, dans l’abeille et l’architecte (1980)

Les droits de l'homme ne valent que parce qu'ils sont universels. Jacques Chirac. Extrait d'un discours pour le 150e anniversaire de l'abolition de l'esclavage - 23 Avril 1998

Les pays occidentaux ont tous signé des chartes de droit de l’homme exemplaires et toute personne vivant sur cette planète ne peut que s’en féliciter. Pourtant, leurs militaires ont encore du mal à les emporter avec eux lorsqu’ils sortent de leurs pays. Les exemples sont nombreux, et aucune armée occidentale (obéissant toujours aux ordres de leur gouvernement), ne s’est montrée exemplaire en opérations militaires extérieures. Mais les images manquent.

La vidéo que j’ai jointe est un montage de deux reportages réalisés vraisemblablement le 11 ou le 12 avril 1994, par deux personnes différentes : Els de Temmerman, une journaliste belge et, certainement, un militaire belge qui a tourné ces images pour le service de presse de l’armée belge. Nous sommes à Ndera, un asile psychiatrique tenu par les religieux belges de la « congrégation des frères de la charité », non loin de l’aéroport de Kigali. Cet asile est encerclé par des miliciens interahamwe, ils veulent assassiner les nombreux Tutsi qui se sont réfugiés auprès des européens pensant y trouver protection.

Lorsque l’officier en charge du commando belge de l’opération Silverback arrive, il est accueilli par un homme affolé, soulagé de voir enfin arriver du secours, qui lui dit qu’ils sont « cinq frères, une soeur blanche et deux autres personnes », il précise qu’un néerlandais rechigne à abandonner sa femme rwandaise et ses enfants, mais il oublie les malades et les réfugiés rwandais qu’il appelait encore « mes frères » lors des fêtes pascales de la semaine précédente. Elles sont pourtant les seules personnes réellement en danger de mort !

L’officier se présente devant les réfugiés. Un homme dit qu’ils vont mourir si on ne les sort pas de là. Une femme supplie, elle essaye de rester calme pour que ces militaires la comprennent. La plupart des rwandais ont les mains jointes, ils implorent les soldats de les protéger.

Les militaires belges embarquent les ressortissants étrangers, menaçant de leurs armes les réfugiés, dont de nombreux enfants, qui auraient eu l’idée de monter de force dans les camions mis à disposition des européens. Peu après, les miliciens interahamwe extermineront la totalité des rwandais que l’on voit dans ce reportage.

Aujourd’hui, après certainement une opération de nettoyage d’envergure, les autoproclamés « frères de la charité » ont repris la direction de l’hôpital psychiatrique. Leur site reste muet sur le massacre.

"Atmosphère à Kigali", lundi 11 avril 1994. Photo : Gilbert Liz/Corbis Sygma

Le 12 avril 1994, Ferdinand Nahimana fondateur de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), Eugène Mbarushimana, secrétaire général du comité national des interahamwe et 176 autres compatriotes rwandais, ont peut être regardé les maisons en feux des hublots de l’avion militaire français qui les conduisait vers le Burundi, peut-être même qu’ils ont vu ce qui se passait à Ndera, mais ce n’est pas sûr, il pleuvait ce jour-là.

Tous les hommes ont mêmes droits... Mais du commun lot, il en est qui ont plus de pouvoirs que d'autres. Là est l'inégalité. Aimé Césaire. Extrait de La Tragédie du roi Christophe.