05/08/2008

La France a entrainé des miliciens...mais les images ne restent que dans nos mémoires




Photographie publiée par Le Vif (photographe inconnu- Agence EPA) avec la légende Fin juin 1994, un soldat français encadre l'entraînement de recrues hutues de l'armée rwandaise.


Photographie de Peter Turnley de l'agence Corbis avec la légende While a French soldier on patrol walks past, a group of Hutu militia men trains.



Que la France a entraîné des miliciens interahamwe ne fait plus de doute, même si l'armée française ne le reconnaît pas encore publiquement. Plusieurs rwandais en ont d’ailleurs témoigné. Et le 22 avril 2005 sur France Culture, Thierry Prungnaud, un militaire français qui s'occupait au Rwanda, en 1992, de la formation du GISGP, Groupement d'intervention et de sécurité de la garde présidentielle l'a confirmé : «Il y a des formations qui avaient également été faites sur des mercenaires civils à l'occasion d'entraînements que j'effectuais avec mes stagiaires où j'ai vu des militaires français former des civils rwandais en 1992 au tir. Bon, ça c'est fait plusieurs fois, mais la seule fois où je les ai vus, il y avait peut être une trentaine de miliciens qui étaient formés au tir dans le parc de l'Akagera

Un ancien militaire des FAR, le témoin DA, a déclaré, le 13 janvier 2005 devant le TPIR (affaire Militaire II, Bizimungu et al) : « Vers fin 1992, dans une forêt près du camp Gabiro (est du Rwanda), des interahamwe recevaient un entraînement militaire. Ils étaient formés par des militaires rwandais mais aussi par des instructeurs militaires français qui dispensaient les techniques de survie. Les miliciens s'y relayaient par cohortes de 500 à 600 personnes », a-t-il affirmé soulignant avoir passé au camp Gabiro près de deux mois vers la fin 1992. « Les différentes compagnies du bataillon de reconnaissance se relayaient à Gabiro pendant la guerre », a-t-il expliqué. Il a indiqué que le camp de la garde présidentielle (GP) à Kimihurura (Kigali) avait également servi de cadre d'entraînement pour la milice. « Vers fin mai 1993, j'ai vu à deux ou trois reprises des miliciens s'entraîner au camp GP. Les instructeurs étaient surtout des militaires rwandais, dont certains de la GP, mais aussi des militaires français », a déclaré le témoin (source Agence Hirondelle).

Mais il n'existe pas d'images connues à ce jour de ces entraînements de miliciens interahamwe par des militaires français.

Il est donc tentant pour des journaux de publier les photographies prises en juin 1994 sur la route entre Goma et Gisenyi, au moment où l'armée française était présente au Rwanda et au Zaïre (actuel RDC) pour «l'opération Turquoise ». Le journal belge Le Vif vient de publier la photographie ci-dessus, légendée comme suit : « Fin juin 1994, un soldat français encadre l'entraînement de recrues hutues de l'armée rwandaise. »

Cette image est impressionnante. Sauf qu'elle est complètement anodine.

L'agence Corbis met à disposition du public les séries complètes des photographes Peter Turnley et Thierry Orban qui, contrairement au journal Le Vif, n'ont vu que des miliciens ou ex-FAR à l’entraînement passant devant des militaires français de l’opération Turquoise, on peut lire notamment cette légende sous une photographie similaire à celle du journal Le Vif : While a French soldier on patrol walks past, a group of Hutu militia men trains. Le journal rwandais The New Times avait commis la même erreur en décembre 2006.

Le dossier France-Rwanda est suffisamment complexe et sensible, il est inutile d'y ajouter de la confusion.